Article datant du 10 février 2003 sur la prépa HEC Bellepierre
Dans cet article du 10 février 2003 tiré du journal de l’île de la Réunion, les professeurs de sciences économiques et sociales prennent la parole et 3 étudiantes de la voie Scientifique livrent leur vécu
Source: https://www.clicanoo.re/node/395182
Créée en 1990, la classe prépa HEC de la Réunion a déjà formé près de 600 étudiants réunionnais. Aujourd’hui, elle affiche fièrement un taux de réussite proche de 100%, en constante progression. La quasi-totalité de ses élèves a intégré une grande école de commerce. Ces deux ans d’études gratuits permettent aux étudiants qui le souhaitent de rester plus longtemps sur l’île avant de faire le grand saut. Rencontre avec les élèves, professeurs et les anciennes promotions d’une filière d’excellence.
Ils ont entre 17 et 20 ans, sont originaires de toute l’île et étudient chaque jour 12 heures en moyenne. Qualités recherchées : curiosité, culture générale, aptitudes relationnelles, pratique des langues vivantes… Ces jeunes sont tous des élèves de la classe préparatoire aux Hautes Etudes Commerciales (prépa HEC) du lycée de Bellepierre à Saint-Denis. Ouverte par la Chambre de commerce en septembre 1990, puis transférée au lycée public de Bellepierre en septembre 1993, cette filière d’élite est en passe de remplir ses objectifs, avec un taux d’intégration dans les grandes écoles qui ferait pâlir d’envie bien des prépas métropolitaines. Le cursus se divise en trois voies : une voie scientifique (accessible après un bac S), une voie économique (après un bac ES) et une voie technologique (après un bac STT). Quelle que soit la voie, l’enseignement dispensé est généraliste et de haut niveau. A l’issue de deux ans de préparation, chaque étudiant peut s’inscrire aux concours de son choix. Les épreuves écrites se déroulent fin avril, sur place au lycée de Bellepierre. L’oral a lieu dans chaque école de commerce où l’étudiant est admissible.Les résultats de notre “prépa pays” sont en constante progression, atteignant le niveau des meilleurs classes de province hexagonales. La voie scientifique de Bellepierre a même été classée première prépa de France en 2000 pour l’admission aux concours Ecricome (groupe d’écoles qui tient le haut du pavé). Les raisons de ce succès sont multiples. Serge Raul, professeur d’économie, responsable de la voie économique, a sa petite idée sur la question : “Nous nous attachons à éviter les déperditions en cours d’année. Pour nous, un étudiant qui abandonne, c’est un échec. Nous ne sommes pas comme ces prépas métropolitaines qui éliminent un quota d’étudiants en milieu d’année pour maintenir une réputation”. Car il faut être clair. Les étudiants en prépa HEC n’ont pas choisi la voie la plus facile et les handicaps supplémentaires liés à l’éloignement de la Réunion sont nombreux. Certains n’ont jamais mis les pieds en métropole, pris le train ou le métro avant d’aller passer leurs épreuves orales. Au stress des concours vient s’ajouter celui du déplacement et de l’organisation d’un périple de plusieurs étapes aux quatre coins de l’hexagone. Grâce à des effectifs réduits, les élèves de Bellepierre bénéficient pourtant pendant deux ans d’un meilleur encadrement qu’ailleurs et d’un suivi personnalisé. En outre, la prépa s’est spécialisée dans l’organisation de séminaires d’entretiens pour préparer les élèves aux épreuves orales du concours. Elle entretient un carnet d’adresses de chefs et de cadres d’entreprises locales, qui servent de jury dans des simulations d’entretiens filmés, que les étudiants peuvent revisionner sur K7 vidéo. Un autre “plus” de Bellepierre : la possibilité entre les deux années du cursus d’effectuer un stage en entreprise, en Grande-Bretagne ou en Australie. Ces quatre semaines d’immersion totale offrent une expérience professionnelle et linguistique qui développe l’autonomie et l’esprit d’initiative. Un atout supplémentaire pour affronter l’épreuve des concours. Pendant les deux ans de préparation, le rythme de travail intensif ne faiblit pas. Les étudiants subissent un véritable “bourrage de crâne” : 30 heures de cours, un devoir surveillé, un livre à lire et deux ou trois “colles” (interrogations orales) de 20 minutes par semaine et par élève. L’objectif de la vingtaine de professeurs de la prépa est de donner les bases en culture générale à chaque étudiant et de lui inculquer la rigueur et les méthodes de travail qui lui serviront tout au long de sa vie professionnelle. Selon Didier Benjamin, professeur d’économie, responsable de la voie scientifique, “le cadre familier et familial de la prépa évite les problèmes d’adaptation rencontrés en métropole et limite le risque d’échec lié au “moral”. Depuis quelques années, les filles sont majoritaires dans nos effectifs. Les familles réunionnaises laissent plus volontiers partir les garçons plus tôt. Elles préfèrent garder leurs filles à la maison deux ans de plus, avant de les lancer dans le grand bain métropolitain”.En dépit des efforts des professeurs pour démarcher les lycées de l’île et de l’Océan indien, les classes de la prépa restent curieusement en sous-effectif. En effet, certains lycées locaux envoient encore systématiquement leurs meilleurs élèves en métropole. Par ailleurs, les idées recues sur le prix des études commerciales, ici comme en métropole, sont tenaces et découragent certaines vocations. Pourtant, ces frais ne sont pas un obstacle réel si l’on considère les nombreuses possibilités de financement : bourses, activités rémunérées au sein des “juniors entreprises” et des associations de l’école proposant des petits jobs, prêts proposés par des banques à faible taux, remboursables après obtention du premier emploi. A la Réunion, le dispositif du passeport mobilité rembourse les voyages des étudiants qui décident de s’expatrier. En outre, le temps d’attente moyen d’un premier travail est de moins de trois mois à la sortie d’une école de commerce et le niveau de carrière et de rémunération attendu est élevé. Du côté des élèves de la promo 2003 de Bellepierre, les préoccupations du marché du travail restent lointaines. Ces futurs cadres et décideurs ont pour l’instant un seul objectif à court terme : décrocher au moins un concours, de préférence dans la meilleure école possible. Et la pression est à son comble. Audrey, Vivianne et Florence avouent travailler au moins deux heures par soirée, après les cours et les “colles” de la journée. Chacune a son petit “truc” pour décompresser : sport, instrument de musique ou télévision une demi-heure par jour. S’ils ont accepté de “mettre leur vie entre parenthèses” pendant deux ans, certains élèves savent déjà ce qu’ils veulent faire plus tard. Florence veut travailler quelques années hors de la Réunion puis revenir dans son île quand elle aura un peu d’expérience. “Il y a tellement de choses à créer à la Réunion, précise-t-elle”. Mais la plupart des élèves ont choisi cette filière plus pour la prépa elle-même et son programme équilibré (des mathématiques, de l’histoire, des langues étrangères…), que pour suivre des études commerciales, même s’ils sont conscients que ce type de cursus peut leur offrir un maximum de choix dans leur vie professionnelle future. Les parcours pour le moins hétéroclites des anciens de la prépa sont là pour en témoigner. La majorité d’entre eux ont décidé de faire leurs armes quelques années en métropole ou à l’étranger, avant de revenir (ou pas) à la Réunion. Jean-Daniel Collet par exemple, originaire de Saint-Joseph, est sorti de la prépa en 1997. Issu d’un milieu modeste (ses parents, qui n’ont pas fait d’études, ont connu le chômage et le RMI), il a réussi a faire “son trou” en métropole, même si sa famille et la Réunion lui manquent. Après un passage par l’Ecole supérieure de commerce de Bordeaux, il travaille actuellement en tant que gestionnaire logistique au sein d’une filiale de Siemens à Paris. Laurent Chane, de Montgaillard, a lui aussi fait le choix de l’expatriation en intégrant la prestigieuse Ecole supérieure de commerce de Paris. Au cours de ses années d’études, il a effectué un stage de six mois dans une entreprise thaïlandaise. Depuis un an, il est analyste de marché à l’agence entreprise de France Télécom à la Défense. Il envisage dans les six mois à venir de s’expatrier en Asie avec sa femme, qu’il a rencontrée sur les bancs de l’école de commerce. Selon Laurent, “cette formation permet de croire en ses chances, de changer facilement d’horizon et de choisir son métier”. Autant d’histoires, autant de destins. En surfant sur le réseau des anciens, on se rend compte de l’existence d’une véritable diaspora réunionnaise. Certains vivent en Angleterre, d’autres en Espagne, aux Etats-Unis et même en Inde. Fabienne Labbé, aujourd’hui cadre comptable chez EDF, fait le point sur son parcours : “Avec le recul, je me rends compte combien la prépa m’a aidée à affronter le stress et à me forger un savoir, tout en restant dans un cadre familial rassurant. L’école de commerce, elle, m’a ouvert véritablement sur le monde et l’univers de l’entreprise. Aujourd’hui je me sens prête dans ma vie professionnelle”. Les ingrédients d’une mobilité réussie ?
–[Questions à Jean-François Hoareau,proviseur adjoint du lycée de Bellepierre, responsable administratif de la classe prépa HEC]
Etes-vous satisfait des résultats de la prépa HEC ? En général, les résultats de Bellepierre se répartissent comme suit : 15% des élèves sont admis dans une des quatre grandes écoles parisiennes (le must), 25% dans une école du réseau Ecricome, le reste intègre une “Sup de Co”. Nos résultats sont bons, mais nous pouvons encore mieux faire, et surtout accueillir plus d’étudiants réunionnais. Chaque année il nous reste des places disponibles.
Qu’apportez-vous réellement aux étudiants réunionnais ? Notre devoir est d’offrir suffisamment de voies différenciées aux élèves de la Réunion. Notre préparation est accessible aux bacheliers de l’enseignement général et technologique. Elle prépare non seulement aux écoles de commerce, mais aussi à l’école militaire de Saint-Cyr, sous peine de suivre quelques heures de cours hebdomadaires supplémentaires en voie économique. La voie technologique est accessible depuis septembre 2000. Elle permet aux titulaires de Bac STT (désormais bac STMG) de rejoindre une filière classique et d’envisager des études longues en école de commerce. Ils compensent bien souvent leur retard en enseignement général par leur avance en gestion, commerce ou informatique. Les bacheliers technologiques, de par la connaissance de l’entreprise et l’ouverture au monde économique, disposent d’un potentiel important.
Les études commerciales sont-elles élitistes ? Nous prenons soin d’ouvrir notre sélection à des jeunes de toute l’île, parfois issus de milieux très modestes. Certains ne sont jamais allés en métropole avant d’aller passer leurs oraux. Si on peut parler d’élitisme, c’est un élitisme basé sur les capacités des étudiants et non sur le milieu social. De nombreuses aides sont en outre disponibles pour financer le voyage et les études : passeport mobilité (pour le remboursement des billets d’avion), bourse nationale, bourses des collectivités locales, prêts à taux zéro….
Quels sont les projets de la classe prépa HEC ? La prépa HEC de Bellepierre a vocation à s’ouvrir à l’international. Il nous arrive d’accueillir des étudiants de Madagascar et de Maurice, notamment du lycée français de Curepipe qui est excellent. Une délégation de la prépa partira bientôt pour l’île soeur afin de développer des partenariats. Nous recevons aussi des candidatures de métropole et même du Maroc. Ce sont des étudiants qui ont entendu parler de notre prépa et qui consultent notre site internet.
Laisser un commentaire